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Nationalisation / Privatisation, les deux revers d'une même médaille.

Nationalisation / Privatisation, les deux revers d’une même médaille.

vendredi 30 novembre 2007, par victor MB

« Après ses deux amis les milliardaires associés Bruxelles-Lambert, le belge Albert Frère et le canadien Paul Desmarais, principaux bénéficiaires de la privatisation-fusion de GDF et SUEZ, Sarkozy s’apprête à livrer AREVA, géant français du nucléaire à son meilleur ami Martin Bouygues. » Le Canard du 12/09/2007. Information confirmé par le ministère de l’économie.


Voilà une belle brochette de représentants de l’oligarchie financière aux ramifications industrielles internationale. L’Impérialisme c’est la fusion du capital bancaire et industriel. L’examen attentif des participations financières des grands patrons dans les capitaux des grandes banques et entreprises illustre bien ce principe.

Ces fusions montrent les caractéristiques particulières de la concentration de la production. Par le croisement des capitaux (holding, Etat, entreprises elles-mêmes parfois financées par les mêmes truchements) se créer des organes centralisés de gestion et de direction qui prennent en charge un ensemble d’activités complémentaires ou pas. Le sens de ce mouvement, de cette interpénétration de différentes industries et de la banque, a pour but le partage des marchés nationaux et mondiaux.

Cette tendance irrésistible tend toujours aux monopoles d’Etat [1], c’est-à-dire au moment ou l’Etat (qui n’est qu’une arme dans les opérations de lutte pour le contrôle des marchés) intervient dans la vie économique en soutient aux opérations financières de la grande bourgeoisie nationale. Son rôle essentiel est de fixer les règles du jeu de la concurrence et l’organisation de ses services au profit de celle-ci, en accompagnant sa progression géographique territoriale et surtout extraterritoriale toujours en concurrence d’autres groupes soutenus par d’autres nations, etc.
Dans la lutte inter-impérialiste, l’union des vieux pays capitalistes entrent comme une nouvelle donne. Le cas France/Allemagne fait parti de ces constructions ambivalentes, entre la nécessité de soutenir chaque bourgeoisie « nationale » et le besoin d’unité pour affronter la concurrence, américaine surtout mais aussi celle de « pays émergents » comme la Chine.

L’achat (nationalisation à des prix élevés) pour la remise à flot dans les moments de tourmente financière, puis la revente au prix symbolique (privatisation) aux mêmes grands actionnaires ; citons aussi la présence de l’Etat de par ses propres participations financières et la présence de ses représentants dans les postes de direction des grandes sociétés ou dans les conseils d’administrations de divers banques etc. sont autant d’indicateurs de la nature impérialiste d’une nation.

Quant à notre fusion en prévision, on sait que l’ami Martin convoite Areva depuis des mois. De toutes les productions capitalistes, l’énergie fait partie de celles qui ont toujours suscité les pires convoitises. Les capitalistes qui ont la main mise sur le nucléaire peuvent s’assurer les revenus les plus fous ad vitam æternam !
Tout les discours sur le développement durable, les nouvelles sources d’énergies et les grandes déclarations politiciennes sur des instances internationales sous contrôle de nouvelles politiques écologique … [2] cachent bien d’autres ambitions …

La politique nucléaire de la France.

Pierre GADONNEIX, Président d’EDF déclarait en 2005 : « Le lancement de l’EPR contribue à garantir l’indépendance énergétique de l’Europe dans les prochaines décennies. A terme, il a vocation à permettre à EDF de renouveler son parc de production de façon compétitive. Il permet de conforter l’avance technologique d’EDF et constitue une vitrine technologique pour les marchés à l’exportation. Ce choix d’investissement traduit la volonté d’EDF de maintenir sa place de 1er producteur mondial d’électricité d’origine nucléaire ».

En effet, la production électrique de la France, déjà excédentaire de 15%, trouve notamment des débouchés en Europe.

C’est au retour d’un voyage en chine que Chirac à vu l’opportunité pour la bourgeoisie européenne (avec celle de France à sa tête évidement) d’attraper un marché très prometteur.

En Chine, 32 réacteurs d’une capacité d’au moins 1 000 mégawatts devraient être installés dans les quinze ans qui viennent. A lui seul, le programme chinois pourrait représenter 80 % des réacteurs construits dans le monde au cours des deux prochaines décennies. Mais les chinois travaillent à leur propre technologie [3] de réacteurs nucléaires et la stratégie chinoise en matière de transfère de technologie n’est pas pour rassurer l’investissement …
AREVA NP (le constructeur publique) reconnaît le risque mais assure la construction de quelques réacteurs dans un premier temps, deux étant déjà commandés, et affirme que des marchés secondaires resteront à conquérir, même pour des centrales « sinisées ». Flamanville (en Normandie) ou sera construit le premier EPR de France (centrale de nouvelle technologie), sera donc une « centrale témoin », une vitrine. Mais ce type de centrale nouvelle est cher : entre 3 et 4 milliards d’euros. [4]

Rien n’est donc acquis pour AREVA. Un concurrent sérieux lui fait face : l’américain Westinghouse. Avec l’ AP-1000, Westinghouse offre une solution de même génération mais techniquement un peu moins complexe que l’EPR, donc sans doute un peu moins chère et a aussi la chine dans sa ligne de mire.
La chine prévoyant de créer 3 centrales par ans, les rivalités inter impérialistes et leur manœuvre de déstabilisation sur tous les terrains n’ont pas fini de faire l’histoire.

Voilà donc un match complexe ou les différents intérêts impérialistes vont s’affronter.
Deux niveaux d’analyses ; l’intérêt de l’impérialisme européen en formation et la place de la bourgeoisie française dans et hors cet impérialisme.

Cette nouvelle technologie de réacteur nucléaire (dite EPR ), sous initiative européenne (Française et allemande) représente de nouveaux débouchés économiques pour la bourgeoisie. Mais comme nous le disions, dans la refonte de l’organisation économique transnationale, tous les combats d’hégémonie « nationales » ne sont pas terminés.
Derrière la façade « politique » d’union d’intérêts communs des groupes industrielo-financier, les bourgeoisies française et allemande du secteur (sous mandat publique en France, AREVA et mandat privé en Allemagne, Siemens [5] ) se disputent encore le leadership et cela ira de cette façon jusqu’a ce que l’une aura les capacités de manger l’autre ou que chacune trouve intérêt dans le pot commun … mais dans cette lutte, la France a de meilleurs cartes.

Cette technologie est développée par AREVA NP (ex-Framatome) filiale du groupe publique AREVA dans la construction des centrales et réacteurs : AREVA NP est né en 2001 de l’alliance du groupe français AREVA (66% du capital) et du groupe allemand Siemens (34%).
Alors comment Sarkozy compte servir les intérêts capitalistes en général et celui de son témoin de mariage et parrain de son fils, Martin Bouygues, en particulier ?

Bien avant l’élection de sarkonaparte, Monsieur Martin ne cachait pas sa volonté de manger dans l’atome.
Pour assurer la domination de la bourgeoisie française dans la représentation des intérêts économiques des bourgeoisies européennes dans ce secteur, Sarkozy proposerait, pour satisfaire aux quelques exigences de forme juridique, la création d’une holding par la fusion d’AREVA et du groupe Alstom déjà bien implanté en Chine (c’est pratique …) notamment par une usine de 60 000m2 de fabrication de turbine exploitant, heu … pardon, je veux dire employant 1000 personnes et gérée par la filiale chinoise Tianjin Alstom Hydro Equipment. Ce site de fabrication est un des plus importants d’Alstom pour les équipements hydroélectriques, tant pour la Chine que pour les marchés internationaux ].

AREVA serait de cette manière privatisé mais plus important, avec 30% des actions Alsthom, Bouygues pourrait même passer à plus après que l’Etat ait livré en libre actionnariat le reste du capital à prendre, ne gardant que 18%.
Alsthom, devenu filiale, pourrait ainsi vendre ses turbines à la place de Siemens. Évidement, ce n’est du goût de Siemens qui voit donc son grand concurrent devenir le « patron » dans cette branche le plus porteuse de ses activités …

A cette simple annonce, les actions Bouygues et Alsthom sont rapidement montées. C’est que cette fusion créerait un géant du nucléaire dans une position mondiale très en avance …
Bouygues, pas encore dans l’affaire, négocie déjà un EPR pour l’Afrique du sud et Travaille le terrain en Grande Bretagne (L’Expansion, 01/06/2007)

Mais Sarkozy ne s’arrête pas là ! Gourmand pour la classe qu’il représente comme pour lui, il aurait en tête de faire dégager Siemens d’AREVA NP.
Comment ? Par une option présente au contrat qui a lié AREVA et Siemens lors de la création d’AREVA NP et qui prévoit la possibilité de rachat des parts Siemens par AREVA d’ici à 2011.

Nul doute que le dernier sommet non officiel franco-allemand aura vu cette question entretenue. A.Merkel plaide pour la poursuite de la collaboration entre AREVA NP et Siemens tout en sachant que rien n’oblige les français.
« Nous n’avons pas encore à prendre de décisions définitives, ce n’est pas notre affaire. Mais (…) nous aimerions que la coopération entre Siemens et les entreprises françaises, donc Areva, puisse être poursuivie », a affirmé A.Merkel, « Je crois que Nicolas Sarkozy est quelqu’un qui s’efforcera de tenir ensemble les projets français et allemands », a-t-elle ajouté, argumentant que « Siemens dispose d’un haut niveau de savoir-faire ».

« J’appelle de mes vœux une collaboration sur les énergies renouvelables mais aussi bien sûr sur le nucléaire » a déclaré Sarkozy à l’occasion de cette rencontre, « Il s’agissait de mettre la chancelière face à ses contradictions », décrypte un industriel. « L’Allemagne ne peut plus prétendre à développer une industrie de ce type si elle fait le choix du zéro nucléaire. » témoigne libé du 12 septembre, mais c’est sans compter la capacité de l’Etat allemand à protéger les investissements à l’extérieur tout en développant une politique énergétique intérieur alternative qui servira aussi sa bourgeoisie …
Pour le bourgeois, peut importe le type d’énergie, pourvu qu’il en tire un maximum de profit.

Tout cela pourrait paraître de bonne guerre si l’ouvrier opprimé n’était pas, au bout de la chaîne des luttes intra bourgeoises, l’éternelle victime du système de vol organisé. Rappelons que l’Impérialisme c’est aussi la capacité des impérialistes à acheter les nations les plus faibles économiquement en vue de l’exploitation la plus sévère, la plus poussée.

Pour AREVA, cela s’illustre par la politique industriel d’AREVA NC (ex-COGEMA) au Niger, qui exploite les mines d’Uranium d’Arlit (60000 habitants) indispensable à la production nucléaire de nos centrales.

« Des gamins de quinze et seize ans se font irradier dans les mines. La main d’œuvre, presque exclusivement des nomades Touaregs, est maintenue totalement ignorante des effets de la radioactivité. Il n’y a quasiment aucune protection contre l’inhalation de poussières et de gaz radioactifs. La détection des radiations et les contrôles sanitaires sont inexistants. »
« Je n’ai vu personne porter de masque. Les mineurs remontent des galeries en fin de journée recouverts de poussière radioactive de la tête aux pieds » raconte Christopher Olgiati, jeune réalisateur pour la télévision anglaise. Pas militant du tout, il donne malgré lui des détails accablant sur l’exploitation de la mine.

La teneur moyenne en uranium y est actuellement de 0,25% mais en 1978 elle atteignait les 3%. Si l’on prend les taux de mortalité parmi les mineurs des mines équivalente dans les années 50-60 en Europe, on comprend que l’impérialisme français a signé l’arrêt de mort de milliers de Nigériens dans les années à venir.

Retombés civiles.

En effet « la Cogema puise son eau dans le sous-sol de sa mine. Puis bonne fille, l’achemine vers la ville où elle est distribuée gratuitement au bon peuple. Qui ne connaît pas sa chance. Car son breuvage vaut de l’or tant il est chargé » comme le souligne un journaliste.
La radioactivité de l’eau dépasse de plus de quarante fois la limite admise par l’Organisation Mondiale de la Santé.
Areva bénéficie d’un tarif avantageux de 27 300 francs CFA (41 €) le kilogramme d’uranium, alors que le prix du marché se situe à 122 000 francs CFA le kilo (186 €). Ces tarifs privilégiés ont été obtenus grâce au contexte de la décolonisation ; en 1961, la France et certains pays d’Afrique de l’Ouest ont passé des « accords » selon lesquels l’ancienne puissance coloniale « garantissait la sécurité et la stabilité » en échange de la primauté sur les ressources minières.

Mais voilà, entre le groupe français et la docile bourgeoisie locale, il y a de l’eau dans le gaz. Ces accords arrivent à terme en … 2007 et nos bourgeois si républicains et indépendantistes du Niger voient déjà tout l’intérêt qu’il y aurait à faire jouer la concurrence sur la vente de la belle « indépendance nationale » acquise au prix du sang de l’ouvrier et du paysan et payée en dette à long terme car on meurt toujours de l’exploitation bourgeoise française à Arlit !

Comme une vieille rengaine, aussi vieille que les guerres impérialistes, la France est accusée de vouloir déstabiliser le régime « du peuple » Nigérien en finançant, entre autre, la rébellion Touareg du MNJ (ce qui serait tout à fait dans l’ « ordre des choses »). Le gouvernement nigérien aurait des craintes à propos des conséquences qu’une telle déstabilisation pourrait avoir sur la motivation des investisseurs étrangers à venir s’installer.

On peut les rassurer, lorsque l’impérialiste se déplace, son armée est avec lui et prête à intervenir pour écraser toute révolte qui ne servirait pas les intérêts financier du moment. Il peut même réduire ses frais militaires en passant commande à l’ONU d’une force d’interposition ou de paix pour assurer la production dans les meilleures conditions pour « un développement bilatérale, équitable et durable » selon le vocabulaire approprié…

C’est beau la coopération internationale …


[1] la bourgeoisie utilise à volonté la possibilité de passer d’un monopole privé à un monopole d’état en fonction des stratégies qu’elle met en place dans la lutte pour le contrôle des marchés mondiaux …
[2] Borloo, après une tournée internationale très démagogique sur les problèmes d’environnement, déclarait : « Une seule gouvernance dotée d’un président médiatique susceptible de porter un message politique donnerais une formidable impulsion à un défi majeur : sauver la planète ».
[3] Technologie dite de très haute température. Les chinois prévoient des centrales plus petites mais plus nombreuses, plus disséminées.
[4] Concernant les dangers potentiels sur l’homme et son environnement, tout est fait pour rassurer avec « enquêtes » et « études » officielles à l’appui. Seulement voilà, ce nouveau système de réacteur n’est en rien plus sur ni moins polluant (Cf John Large, expert britannique).
[5] Siemens est une entreprise qui fait vivre la « démocratie » en son sein, on le sait … La preuve en a été faite lors de la seconde guerre mondial. De la même manière qu’un très grand nombre d’entreprises telles que BMW, Thyssen, Daimler-Benz, Krupp, IG Farben, Siemens exploitait de la main d’œuvre puisée parmi les déportés. Les détenus étaient utilisés jusqu’à épuisement total dans le cadre du projet nazi de « l’extermination par le travail ». Lorsqu’ils ne travaillaient pas assez vite, et donc ne produisaient pas suffisamment, les déportés étaient roués de coup par les SS et les Kapos, souvent jusqu’à ce que mort s’ensuive. Les détenus étaient volontairement maintenus en mauvaise santé par de très maigres repas. Les épidémies (typhus, dysenterie) étaient fréquentes.
] Alstom : société née d’une fusion. Devient indépendante des maisons mère en 1998.2003, crise financière due au départ définitif des anciennes maisons mère qui se font versé leurs dividendes respectif. La bourgeoisie croque le gâteau, l’Etat de la bourgeoisie joue les pâtissiers : Sarkosy, ministre de l’économie engage l’Etat dans le rachat d’actions pour sauver la boite (21%) puis les revend à Bouygues en 2006 une fois l’orage passé.




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