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LIBAN, suite du n° précédent

LIBAN, suite du n° précédent

jeudi 19 avril 2007, par Jean Charles Louvrier

Dans notre dernier bulletin, nous avions promis de revenir sur les problèmes au Liban et de « conclure » sur la situation de ce pays en proie au dépeçage inter-imperialiste, sur fond de luttes d’influence des grandes puissances faisant leur marché dans la région.


Il n’aura pas fallu attendre longtemps pour voir se confirmer nos observations sur les conséquences politiques et économiques de l’intervention armée de la puissance militaire sioniste, vassale de l’impérialisme US, sur le territoire de ce pays du Moyen-orient.

La France, toujours en pointe dans la défense de ses intérêts, n’a eu de cesse, depuis la fin de l’incursion sioniste, de soutenir une des fractions politiques bourgeoises libanaises qui, comme toutes les représentations politiques nationales reconnues au Liban, n’a pas d’autre choix que de se plier aux exigences de ses soutiens étrangers dans les luttes d’influence qu’ils mènent, soit directement soit par des alliances de circonstance. En novembre 2005, c’est sur les marches de Matignon que le premier ministre « sortant » de Villepin accueille son homologue libanais Fouad Signora. Dans le même esprit, la France veille aussi à entretenir de bonnes relations avec la représentation confessionnelle libanaise de son choix. En novembre 2003, de Villepin, alors ministre des Affaires étrangères, s’entretient longuement dans son bureau du Quai d’Orsay, avec Mgr. Sfeir, Patriarche maronite du Liban.
Il faut aussi observer qu’en octobre 2005, la France s’est vu confirmer sa place en première ligne des pays impérialistes intéressés dans le traitement des affaires libanaises. A New York, au 60ème anniversaire de l’Organisation des Nations Unies, à l’Assemblée générale des Nations Unies, Philippe Douste-Blazy, ministre des Affaires étrangères, apparaît seul à la table de conférence de presse à la fin du groupe restreint « Liban », entouré de Siniora, premier ministre libanais et Kofi Annan, secrétaire général de l’O.N.U.

Les grandes puissances, fauteuses de guerres, ayant atteint leur objectif par l’installation d’une force d’interposition militaire dans le conflit, ont pu passer à l’étape suivante dite de la reconstruction économique et politique du Liban. En somme, les créanciers traditionnels du Liban, pour faciliter toutes les interventions nécessaires à recouvrir leurs créances et au nom d’un droit international taillé sur mesure, venaient d’installer leurs hommes en armes. Ainsi, rassurés par cette présence, plus de cinquante « donateurs » se sont précipités, en bons philanthropes, le 31 août 2006, à la conférence organisée à Stockholm par le gouvernement suédois et le gouvernement libanais avec le soutien des Nations unies. Au cours de cette conférence un montant global de 980 millions de dollars a été promis au Liban. Fin décembre 2006, prés des deux tiers de cette « aide » avaient été engloutis.

D’un appétit insatiable, le gouvernement libanais (ou ce qu’il en restait après la démissions des cinq ministres chiites) dut repasser par la case départ des prérogatives internationales accordées, et donc consulter la France « ami incontournable de toujours » pour une nouvelle conférence internationale de soutien dite des « amis du Liban » qui s’est tenue le 25 janvier 2007, conférence visant la prolongation de la tutelle financière et politique des puissances impérialistes, avec au programme plusieurs volets de discussions :

- Renforcement de l’Etat libanais visant à lui faire recouvrer sa pleine souveraineté sur l’ensemble de son territoire. En fait, obtenir du gouvernement libanais qu’il se montre un débiteur honorable capable de recouvrer lui-même les intérêts de ses créanciers internationaux.
- Un volet d’intervention sur les besoins économiques et sociaux. En clair, restructuration industrielle du Liban sur la base des intérêts monopolistes étrangers.
- Un volet macroéconomique et financier. Objectif : le traitement de la dette et programme de réformes. Ce volet intervenant comme la synthèse des objectifs précédemment visés.

A cette conférence, le premier ministre, représentant de la bourgeoisie libanaise, était entouré de pas moins de 36 délégations, représentants les nations intéressées, à la tête desquelles se trouvait la représentante de la superpuissance américaine, Condoleeza Rice, venue s’assurer de la bonne conduite des tractations secrètes qui ont certainement précédé ce sommet entre puissances impérialistes mondiales. La présence des grands argentiers planétaires, banque mondiale, FMI (fonds monétaire international), bien entourés de la banque islamique, banque européenne d’investissement, fond monétaire arabe, fond koweitien et fond saoudien pour le développement, laissait pressentir que l’événement était porteur d’enjeux géostratégiques considérables.

Il n’est pas besoin d’être un fin observateur pour admettre que la nécessité de faire cesser une intervention militaire, s’asseyant sur le droit international et pour tirer des griffes de son puissant voisin à l’expansionnisme ravageur, un pays d’une population résidente d’environ quatre millions de personnes ne suffisait pas à justifier une telle mobilisation des grandes puissances.

Il est clair que d’autres intérêts bien supérieurs se faisaient servir par la crise locale qui se découvrait relever de moins en moins de l’improvisation, même si les tenants de la thèse du Hezbollah victorieux de la légendaire puissance voisine risquent de s’en retrouver chagrin. En conséquence, pour mieux comprendre de quoi il retourne, il faut replacer les événements dans l’idée d’un « grand Moyen-Orient » et de ses implications internationales complices, initiée par la super puissance états-unienne. A ce moment, l’intervention des puissances étrangères aux Liban est comprise comme la défense d’une place forte politique et économique à consolider, comme un atout servant les intérêts géopolitiques inter-impérialistes dans la région, camouflée derrière l’hypocrite croisade pour le droit des peuples à la démocratie.

Au Liban, l’affaire devenait sérieuse, d’autant plus sérieuse qu’elle se mit a inquiéter les partis d’opposition qui comprirent qu’ils jouaient leur avenir politique et refusaient donc de se retrouver dans un « hors jeux de fait » depuis la crise institutionnelle de novembre 2006 (démission de cinq ministres de confession chiites, opposants de la majorité au parlement). Pour se donner une idée de l’ampleur de cette crise, il est intéressant de retenir cet épisode de décembre dernier où une délégation de députés de la majorité avait rencontré le président du Parlement, Nabih Berri, pour le presser de convoquer le dit Parlement afin de trouver une issue à la crise institutionnelle provoquée par le départ du gouvernement des ministres chiites du hezbollah. « Concluez un gouvernement d’entente nationale et je convoquerai dès demain le Parlement » a rétorqué Nabih Berri.

La formation d’un cabinet d’union nationale devenait la principale revendication de l’opposition.

Déjà mobilisée depuis la conférence de Stockholm (sit-in permanent à Beyrouth) le 10 décembre 2006, plus d’un million et demi de manifestants envahirent les rues au Liban, l’opposition tentait d’envoyer un message aux conférenciers de Paris qui allaient décider de l’avenir du Liban. Ils avaient été précédés par les industriels libanais qui menaçaient eux aussi, par la voix de leur représentant, Fadi Abboud, de manifester dans la rue si le gouvernement ne réagissait pas à leurs revendications, le ministre de l’industrie lui-même, Pierre Gemayel, s’empressa de les rassurer en estimant que leurs doléances étaient justes. En retour, le gouvernement se trouva assuré de leur soutien contre la grève générale de l’opposition et des syndicats. En donnant ces consignes, ils venaient de passer les premiers à la caisse des dépôts…

C’est donc, soucieux de faire la démonstration que pour la destination des fonds, la bonne gestion des affaires et la pérennisation des réformes imposées par les bailleurs de fonds internationaux, il allait falloir compter avec l’opposition. La veille de la conférence de Paris, le 23 Janvier 2007, fut la date retenue pour déclencher un mouvement de grève générale soutenue par les syndicats.

Tous les partis d’opposition, unis dans la « concorde interconfessionnelle » furent de service, le Hezbollah de Hassan Nasrallah, le CPL de Michel Aoun, le mouvement Amal de Nabih Berri y compris le très institutionnaliste parti communiste libanais, défenseur des classes moyennes et des petites et moyennes entreprises, soutenant la revendication la plus importante à ses yeux, celle de la fin du système politique confessionnel actuel où les sièges au parlement sont répartis selon des confessions religieuses (1). L’opération de grève générale fut menée par tous ces protagonistes dont l’objectif n’était pas tant de déstabiliser le cheval de course des puissances impérialistes, le premier ministre libanais Fouad Siniora, que de se montrer incontournable dans l’équilibre politique nécessaire pour que soit menée à bien la remise en ordre de « la maison Liban » souhaitée par tous et dépassant le sentiment d’orgueil national. De conférences en conférences inter impérialistes s’exhale un parfum d’affaires et de poudre.

Quant à la réalité politique vécue par la classe ouvrière au Liban, il est illusoire de rechercher un point de vue autonome. Divisée, elle aussi, dans les diverses représentations confessionnelles, elle encaisse au prix du sang et des larmes, les coups les plus durs. Installée dans un désarroi grandissant, elle voit sceller provisoirement son destin aux fantassins d’argile de la représentation interclassiste bourgeoise et petite bourgeoise, faisant illusion face à un système capitaliste impérialiste mondial qui règle ses affaires sur le dos des peuples du monde, règlements d’autant plus sanglants que s’exacerbent ses contradictions internes dans le pillage des ressources de la planète.

« Pour une paix juste, démocratique, durable au Liban » est le slogan qu’affichent « héroïquement » tous les pacifistes sociaux démocrates bêlants et leurs succursales d’extrême gauche trotskistes, anarchistes, ainsi que les Marxiste-léninistes conclavistes bruxellois (2).

Dans les conditions d’enfermement idéologique de la classe ouvrière et des couches les plus pauvres, dans les conditions de leur « soumission politique » à la diversité de la représentation multiconfessionnelle bourgeoisie et petite-bourgeoise nationale libanaise, (pour autant qu’il faille lui faire confiance pour mener à bien les désirs d’indépendance nationale de tout un peuple), que peut bien exprimer le mot d’ordre d’une paix juste, démocratique et durable au Liban ? Rien qui ne relève de justes sentiments d’internationalisme prolétarien, sinon qu’un appel camouflé de sociaux chauvins de grandes puissances à soutenir son propre impérialisme, même sous couvert de déclaration tonitruante de sa condamnation.

Les ouvriers n’ont pas de patrie ni au Liban ni en France ni ailleurs.

Aujourd’hui nous vivons l’époque de l’impérialisme, c’est-à-dire l’époque du partage et du repartage du monde entre une poignée de grandes puissances parvenues à un certain stade de leur développement. Epoque où les pays arriérés ou en voie de développement demeurent sous la coupe ou sous influence économique, financière des ces grandes puissances. Epoque où la bourgeoisie internationale s’arrange des frontières matérielles des pays, anciens vestiges de leur propre passé, gardiennes des marchés intérieurs, à protéger au prix du sang et des larmes des prolétaires, nourris des sentiments patriotiques, poison de soumission idéologique des classes laborieuses aux classes bourgeoises. Epoque où les capitaux passent d’un monopole à l’autre dans une course effrénée aux marchés qui ne s’embarrassent pas de principes bourgeois éculés … époque où les révolutions et luttes d’indépendance ne se posent plus en terme de révolution démocratique bourgeoise mais posent la question du socialisme et la préparation de la révolution prolétarienne mondiale.

La classe ouvrière des pays impérialistes n’a pas à donner de leçon aux classes laborieuses des pays dominés par son propre impérialisme, le premier de ses devoirs reste de préparer la révolution prolétarienne chez elle. Notre attitude à l’égard de la guerre, disait Lénine (3) « est foncièrement différente de celle des pacifistes (partisans et propagandistes de la paix) bourgeois et anarchistes. Nous nous distinguons des premiers en ce sens que nous comprenons le lien inévitable qui rattache les guerres à la lutte des classes à l’intérieur du pays, que nous comprenons qu’il est impossible de supprimer les guerres sans supprimer les classes et sans instaurer le socialisme, et aussi en ce sens que nous reconnaissons parfaitement la légitimité, le caractère progressiste et la nécessité des guerres civiles. »

Aussi, toute la représentation politique interclassiste en France et dans le monde est porteuse du slogan d’une paix juste, démocratique et durable. Il n’est pas un parti y compris de la grande bourgeoisie (4) qui ne nous abreuve pas de ses bons sentiments en direction des peuples devant recouvrer leur souveraineté. Ouvriers communistes internationalistes, notre devoir doit être de nous en distinguer, en affirmant avec Lénine « l’unique position d’un véritable marxiste, d’un véritable socialiste et non d’un réformiste bourgeois. Le véritable artisan d’une paix démocratique n’est pas l’homme qui répète de pieux souhaits de pacifisme, ne signifiant rien et n’engageant à rien, mais celui qui dénonce le caractère impérialiste de la guerre actuelle et de la paix impérialiste qu’elle prépare, et qui appelle les peuples à la révolution contre les gouvernements criminels. »
Lénine, Pacifisme bourgeois et pacifisme socialiste.

Jean-charles Louvrier.


(1) Dessous tableau de la représentation confessionnelle libanaise (2) Au séminaire international des organisations se réclamant du Marxisme-léninisme, les organisations françaises URCF, PRCF signèrent la résolution finale qui désignait les Etats-Unis ennemi impérialiste principal. (3) Lénine, Le socialisme et la guerre (4) François Bayrou, bourgeois présidentiable, à la tribune de l’Assemblée, lors de la discussion sur le Moyen-Orient, et la résolution 1701 onusienne avait déclaré : « La France a vécu la guerre de l’été 2006 comme une épreuve . . . la France doit se donner comme ambition dans cette région de restaurer une paix durable et de garantir la souveraineté d’un Liban indépendant.



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