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Sur le droit opposable au logement

Sur le droit opposable au logement

jeudi 19 avril 2007, par victor MB

Suite à la révolte pacifique mais non moins importante de nombreux « sans-abri », la bourgeoisie s’apprête à faire voter une loi portant le nom de « droit au logement opposable », impliquant une responsabilité juridique de l’état en matière de logement social.


L’association « les Don Quichottes » animée principalement par les frères Legrand dont le désormais incontournable Augustin, parvenait à attirer l’attention médiatique sur le problème du « sans-abri ». Réussissant à mobiliser quelques « âmes », dépourvus de tout soutien social et devant des médias bien disposés, de nombreux militants dits de « la société civile » ont rejoint le mouvement à travers tout le pays, mobilisant à leur tour d’autres femmes et hommes dans le dénuement et pensant, en écoutant la bonne parole, que le moment était peut-être venu de … (1)
Tout cela était d’autant plus sympathique aux yeux des grands médias que le mouvement, par l’implantation de tentes sur les lieux publiques, s’est voulu dès le début pacifique et « apolitique ».
Les médias ont vu certainement là l’occasion de prouver combien ils pouvaient peser sur la « démocratie » en offrant une tribune à la « résolution » d’un vilain problème de société en pleine pré-campagne des présidentielles. Augustin Legrand se veut tout de suite rassurant en indiquant au 20h00 que les objectifs fixés étaient entièrement satisfaisables par n’importe quelle majorité pourvu qu’elle ait simplement suffisamment de « coeur ».

En effet, après les interventions remarquées de quelques vedettes, une belle poignée de main avec le ministre des affaires sociales J.L Borloo (face aux caméras, une belle posture de vainqueur et quelques sourires de satisfaction sur le visage d’Augustin Legrand) devait finir de convaincre le bon peuple (exprimant une anxiété générale sur la question du logement (2)) et tous les « sans-abri » de France, qu’enfin, les puissants avaient consenti à faire parler leur coeur.

Et ensuite ?

Et bien ensuite … un avion pour l’Afrique du sud, en toute précipitation, pour un tournage d’un mois. C’est qu’Augustin est comédien et les « sans abri » vont vite s’en apercevoir … Orphelin d’un leader médiatique, les militants à la base, « sans abris » ou pas, éprouvés par de longues semaines de lutte, ne voient strictement rien arriver. Aucun préfet devant les tentes pour signifier par « x » « ordonnances », « x » mesures très concrètes et approuvées de tous. Non, rien de rien. Sauf les plaintes répétées des commerçants se situant à proximité des camps de fortune et déclarés par eux comme nuisibles au commerce et aux bonnes moeurs.
Evidemment, les élus locaux, notables plus enclin à s’apitoyer sur le sort du petit commerce et les plaintes de la petite bourgeoisie, ont commencé à « faire remonter » leur mécontentement sur la gestion du problème. Les élections locales aussi se préparent tôt !

Les militants ont alors fait de nombreuses promesses concernant les « réaménagements » des camps, la reprise en main des affaires « intérieures » etc. Aujourd’hui on parque dans des bases militaires loin de la ville, on ordonne de quitter les places publiques mais la télé nous montre ici et là quelques initiatives associatives comme la mise à disposition de bungalows « confortables » sur terrain vague et le « soulagement » des « heureux bénéficiaires ».

Pendant ce temps, des sans domiciles s’accrochent à la lutte et se réorganisent, surtout dans la capitale, afin de poursuivre le mouvement : « un appartement durable, et pas un centre d’hébergement ou un hôtel. ». Car Jean-Baptiste Legrand, le président de l’association, a décrété la fin de la lutte. C’est fini, on r’plit les gaules et les tentes … enfin à la télé c’était plutôt : "Certes tout n’a pas été réglé, des milliers de sans abri continuent à dormir dans nos rues dans des conditions indignes. (…) Le pas qui a été franchi cet hiver est cependant un pas majeur dans l’accueil des SDF, et la loi sur le droit au logement opposable permet d’espérer un avenir meilleur".

Donc venons en à la loi, qui est toujours pour nous, ouvriers, la promesse d’autres promesses.
Quelle est donc cette mesure qui, dès son annonce, a été sujette au scepticisme général, même dans les rangs de la majorité ou certains députés se sont certainement demandés si une pareille pilule suffirait à calmer le trouble.

On annonce donc aux « sans-abri » une loi.
- Une loi ? demande t-on un peu partout dans les camps de fortune…

Un projet de loi plus exactement, émanant donc du premier ministre et actuellement en seconde lecture.

- En seconde lecture ? demande t-on un peu partout dans les camps de fortune …
- Mais vous savez, c’est compliquée la Justice sociale…, a- t-on sûrement répondu. Que dire d’autre, n’est-ce pas ?

- Bon ! mettons … Mais que dit le projet ?

Article 4
« Toute personne accueillie dans une structure d’hébergement d’urgence doit pouvoir y demeurer, dès lors qu’elle le souhaite, jusqu’à ce qu’une orientation lui soit proposée. Cette orientation est effectuée vers une structure d’hébergement stable ou de soins, ou vers un logement, adaptés à sa situation. »

Voilà donc, qu’en guise de réponse, dès les premiers articles, on explique que le maintien dans un hébergement d’urgence est un droit (ben voyons …) si la personne « souhaite » y rester.

- Et jusqu’à quand ? demande t-on un peu partout dans les camps de fortune …

Jusqu’à ce qu’une « orientation » vers « une structure d’hébergement stable » ou « un logement, adaptés à la situation » du demandeur soit trouvée …

Mais si tout ça ne marche pas ? Ce qu’on ne peut croire en se rappelant toute la satisfaction d’Augustin à l’annonce de la préparation de cette loi … Et bien l’article suivant donne la méthode :

Article 5
« Le représentant de l’Etat dans le département, en concertation avec […], assure l’accès des personnes…( défavorisées socialement, pour simplifier) aux informations relatives à la mise en oeuvre du droit au logement. ».

- Mais alors si il y a contestation (un « sans abri don quichotte » en somme), que ce passe t-il ?

Alors, au 1er janvier 2008, auprès du représentant de l’Etat dans le département, devra être créée une commission de médiation présidée par une personnalité qualifiée désignée par l’état lui-même (par l’entremise de son représentant) et qui aura vocation à étudier les cas difficiles voir litigieux.

ET si, et seulement si, les études et les conclusions de la dite commission n’aboutissent pas à un résultat satisfaisant (pour qui ?) alors, tout un tas d’articles ou modifications d’articles de loi déjà existantes règlent les modalités de la saisie par un tiers, des tribunaux compétents quant à la résolution du problème …
Exit les fameuses « réquisitions » réclamées ici et là (on ne touche pas au capital immobilier !) et toute une série de mesures demandées par le pacifiste naïf qui, tout en soufflant ses idées au dessus de l’épaule de monsieur Augustin vers notre bon ministre des bonnes oeuvres, pensait sincèrement jouer les « acteurs du mouvement », écoutés dans son travail de relais des doléances « venues d’en bas ».

En résumé, si de l’espoir et de la force nous restent, et surtout si nous avons suffisamment de connaissance des rouages de la démocratie bourgeoise et son cortéges de commissions diverses et lieux de décisions en dehors de notre contrôle, nous, les « petits », pourront donc nous plaindre des problèmes de logement qui nous accablent devant les mêmes qui nous écrasent …

Quelle belle affaire, en réalité, que toute cette histoire rondement menée. Un exemple superbe de « real politique ». Notez bien la recette :

- Une association de biens pensants qui s’indigne.
- Des malheureux qui s’accrochent à l’espoir.
- Des garants de la démocratie qui s’assurent de l’écho (médias).
- Des politiciens « affligés » et plein de « volontés ».
- Une loi républicaine de plus pour un épilogue heureux et satisfaisant pour tout le monde, sauf…

… pour le malheureux … Une bonne vieille recette politique !

Victor MB.


(1). Cette mobilisation a quand même connu une période de tâtonnements. Le site internet de l’association qui recensait les initiatives dans le pays est longtemps resté dans l’expectative face à la lenteur de la mobilisation, les premiers reportages télévisés auront joué beaucoup dans l’extension réel du mouvement.
(2). Sondé durant cette période, un français sur deux craint de se retrouver un jour sans domicile.



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