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Le cas Dagris

Le cas Dagris

jeudi 1er mai 2008, par victor MB

Année 2006, Dominique de Villepin est alors premier ministre et Thierry breton est ministre de l’économie et les deux gaillards ne ménagent ni leur effort ni l’emploi du temps gouvernementale pour servir au mieux la bourgeoisie française.


C’est fin avril 2006 que Lagardère, informé de la tempête boursière à venir liée aux difficultés de l’A380, met ses parts d’EADS en vente. Thierry, bon pote, en commande le rachat par l’Etat à hauteur de 126 millions d’euros par la Caisse des dépôts. C’est une petite part mais généreuse dans la mesure où à la même époque l’Agence des participations de l’Etat incitait Breton à céder celles de l’Etat, voulant sauver du « patrimoine », ignorant que le patrimoine de l’état est surtout celui de la bourgeoisie… Il s’est refusé à vendre arguant que l’état avait alors une position « stratégique » … Dans le genre je vous prends pour des cons, c’était pas mal …

Quelques semaines plus tard, Noël Forgeard, co-président d’EADS, est « licencié » (juillet 2006) pour mauvaise gouvernance, mais on lui reproche surtout d’avoir pris ses stocks options en argent avant la déferlante et de n’avoir pas opéré assez discrètement. Encore une fois Thierry intervient pour que Forgeard ne sorte pas dans le dénuement et obtient que le copain puisse partir sans « peur des lendemains difficiles » avec une indemnité de plus de huit milliard d’€uros.

Dans le même temps, il poursuit la privatisation de Dagris, anciennement Compagnie française pour le développement des fibres textiles (CFDT) née en 1949, dans l’après-guerre, elle montre la volonté de la bourgeoisie française de relancer une véritable politique impérialiste à savoir l’exploitation des matières premières dans les colonies françaises, en l’occurrence le coton dont la France ne dispose pas et est obligé d’acheter au Etats-Unis.

Fondé sous l’égide de Henri Queuille (radical socialiste) et Robert Lacoste, ministre socialiste de l’industrie , syndicaliste à la CGT et gouverneur tortionnaire d’Algérie, la compagnie est un modèle de ce l’on appelait récemment la mission civilisatrice de la France. En assurant des prix régulés à la paysannerie pauvre des colonies, elle a permis à la clique politicienne de gauche de mieux assumer sa servitude aux intérêts de la bourgeoisie française.

Avec l’accession à l’indépendance des colonies africaines dans les années 1960, le groupe français se transforme peu à peu en holding agro-industriel. Grâce à des participations allant de 20 % à 40 % et plus dans une dizaine de sociétés nationales. Dans les années 80, restructuration du capitalisme mondial, la privatisation forcé des économies africaine a permis au groupe de devenir majoritaire dans toute une série d’ entreprises africaines comme la Société de développement des fibres textiles (Sodefitex) au Sénégal, 51 % de la Société cotonnière du Gourma (Socoma) au Burkina Faso , etc.

Les militaires partis, la bourgeoisie françaises gardait son ascendant sur les économies nationales et commençait les grandes manouvres de corruptions et de rétributions financières aux bourgeoises locales qui récoltaient là les véritable fruits des luttes d’indépendances dans lesquelles paysans et ouvriers avaient perdus la vie par milliers. Au lendemain de ces luttes, c’est à coups de grands discours nationalistes que la classe ouvrière africaine et la paysannerie pauvre devaient servir d’esclaves au profit des mêmes bourgeois français en plus des bouches parasitaires à nourrir au sein de la nation « enfin libérée ».

Cette histoire doit être ignorée de Reynald Evangelista, membre de la délégation unique du personnel de Dagris qui affirme que « Pendant des décennies, nous avons été un formidable outil de coopération. L’épopée du coton africain, les résultats obtenus et le développement des zones rurales sont souvent cités en exemple, car ils constituent, dans cette région du monde, une belle réussite technique, économique et sociale. » On comprend mieux la réaction de la représentation du personnel quand on sait que sur les conseils de la direction, la plupart des salariés ont massivement investi (7 % du capital du groupe) dans un fond commun de placement maison, ce qui donne tout son sens à la notion de corruption idéologique …

Aujourd’hui, même si l’entreprise a perdu de sa superbe, elle reste à la tête d’un groupe de dix-neuf filiales sur plusieurs continents, un chiffre d’affaires en 2005 de 336,1 millions d’euros pour un résultat net de 2,9 millions d’euros. A travers sa filiale Copaco, le groupe absorbait, en 2005, 20 % du coton africain, réexporté pour les deux tiers vers l’Asie. En 2004 et 2005, le groupe a versé 14 millions d’€uros de dividendes à ses actionnaires, état en tête. En 2005, l’Etat décrète la privatisation du groupe et la banque Rothschild & Cie est désigné banque conseil de l’Etat. Le 23 février 2007, Dagris est cédées pour la somme de 7,7 millions d’euros (valeur en 2005 : 105Millions €) à
- consortium Sodaco pour 45% (Société de développement africain du coton et des oléagineux) conseillé par Edmond de Rothschild
- le fonds d’investissement IDI (45 %)
- M. Antoine Gendry, ancien président du groupe Nord Est (5 %)
- M. Patrick Leydet, président des sociétés Dopa et Uninor en Côte d’Ivoire (5 %).

Mais le petit actionnariat mécontent de voir le plan retraite gagné à la sueur de l’ouvrier et du paysan africain partir en fumé, décide faire appel de la décision d’attribution et met assez mal le gouvernement pour le faire reculer momentanément en revenant sur les décisions d’attributions aux heureux bénéficiaires mais pas sur la privatisation. En effet, le gâteau s’est partagé sans discrétion, outre les pratiques de spoliation des paysans de M. Leydet, on feint de découvrir que Mme Luce Gendry, l’épouse de M. Gendry, est à la fois associée-gérante de Rothschild & Cie – la banque conseil de l’Etat dans la privatisation – et membre du conseil de surveillance du groupe IDI, la pillule est énorme et force donc Bretton à revoir sa copie…

Au prochain numéro, nous verrons comment se termine cet épisode des pratiques scélérates de l’impérialisme français qui est révélateur de la corruption sur les plans économique, politique et idéologique.




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