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La Valls des autoritaires

La Valls des autoritaires

mardi 28 janvier 2014


L’humoriste Dieudonné vient de défrayer la chronique et cela pour des raisons où se mêlent les intérêts d’Etat et les ambitions personnelles du ministre de l’Intérieur. Le dernier spectacle du comédien est frappé d’interdiction pour « atteinte à la dignité humaine ». Dans un pays où se comptent par dizaines de milliers les sans-abris et parmi eux des milliers d’enfants, un pays où les lieux de la charité public ne désemplissent plus de ces pauvres gens venus chercher simplement de quoi survivre, un pays qui envoie ses bombardiers répandre la mort et la désolation loin d’ici, le moins que l’on puisse penser c’est que le ministre et ses supporters ne craignent pas de cultiver le ridicule.

Mais ce que ne craint surtout pas le ministre de l’Intérieur, sans aucune réaction de classe face à lui, c’est d’agir encore plus à la fascisation du pouvoir et cela en mêlant étroitement défense de l’ordre public et ordre moral bourgeois. De plus, si on ajoute à cela la surveillance physique des spectacles par ses fonctionnaires, c’est la véritable nature de l’Etat bourgeois dit de « droit » qui passe de l’ombre à la lumière et montre sa fonction de police, comme la répression accrue des luttes de la classe ouvrière le prouve mieux encore.

Dieudonné le démocrate se fait rattraper par ses pairs

L’affaire Dieudonné nous montre la servitude de la représentation idéologique petite bourgeoise au Droit juridique de la classe dominante [1], Droit qui assure la domination de la bourgeoisie impérialiste dans tous les domaines, y compris culturel.

Il fut un temps où l’artiste était en odeur de sainteté auprès de ceux qui aujourd’hui le condamnent sans retenu et ce jusqu’à lui dénier la qualité même d’humoriste interprète. Il fut un temps, pas si lointain, où l’artiste mettait son talent au service des campagnes de la gauche et de ses « valeurs », son pouvoir comique lui était reconnu quasi au titre du génie. Couvert de louanges il faisait figure d’artiste héros de l’antifascisme, une étoile montante dans le firmament de la pensée des lumières. Suffira le temps d’un sketch jugé antisémite, pour que le valeureux soit descendu de son piédestal et traîné dans la boue. Entraîné dans le cycle infernal : réactions… nouvelles provocations… réactions, il est devenu, au fil du temps, la cible de tous les portes voix de l’idéologie dominante pour ne pas avoir su tenir son rang de bouffon adulé de la république bourgeoise.

Spectacles et propagandes des idées

Par ailleurs, on se demande en vertu de quelles capacités intellectuelles supérieures un ministre de l’Intérieur, une ministre de la Culture, sont plus à même de trancher sur ce qui relève de l’expression culturelle ou de la propagande. Juger de la qualité d’un artiste implique d’observer le plus ou moins de reconnaissance qui lui est accordée par un public ; public lui-même prisonnier de l’ambiance idéologique dans laquelle il baigne … Aussi certains, pour répondre à cette question, discutent des « degrés » différents de l’humour, degrés qui s’étalonnent autour de la capacité de chacun à se blinder d’autodérision, ce qui ne nous fait pas avancer d’un pouce dans ce qui semble devenir une « énigme ». Cette « énigme », nous laissons volontiers aux débats intellectualistes et aux biens pensants du genre à la Ruquier, qui récemment a beaucoup ri d’un sketch où Bedos fils, affublé d’une moustache hitlérienne et d’une barbe « salafiste » assimilait grossièrement les jeunes de quartier à des antisémites incultes, ignorants et cupides ; 1er, second, troisième degré(s) ? …. En fait dans ce domaine comme dans tous ceux ayant trait à la vie sociale, la dernière analyse se doit d’être politique et de classe. On en vient donc à s’interroger sur les intérêts que sert l’artiste, jusqu’à quel degré d’implication il les sert et quels sont ses soutiens idéologiques.

Face à l’affluence du public aux spectacles de Dieudonné, les intellectuels de ce pays s’interrogent et posent un verdict commun : c’est l’éducation qui fait défaut. Fréquentant les plateaux-télé et les beaux salons parisiens, habitués à pratiquer le mépris des masses, ils ne savent pas comprendre autrement une telle affluence sur le net et dans les salles de spectacle.

Haro sur le « baudet »

Pour les uns Dieudonné serait un suppôt du fascisme, un raciste pour les autres, pire, un négationniste patenté pour les plus remontés contre l’artiste… et cela quand bien même celui-ci s’en défend … Mais que cela ne tienne, et ceux que la « mansuétude anime » affirment que c’est surement l’artiste humoriste le meilleur de sa génération, mais de nous expliquer son inconstance sur le plan des idées.

« Si tu veux tuer ton chien, dis qu’il a la rage ». Ce qui est certain, c’est qu’il est peut-être le premier à avoir « réussi » à liguer contre lui toute la gente intellectuelle, écrivains, journalistes, ayant pignon sur rue ou loge permanente à la radio, à la télé. Ce à quoi il faut ajouter la quasi-totalité des « beaux esprits » de la gauche dite radicale et d’extrême gauche, idiots utiles à la falsification de la véritable nature de la démocratie bourgeoise. Parmi eux, nombreux sont ceux à défendre l’idée qu’il aurait mieux valu trouver une réponse dans l’arsenal judiciaire, plutôt que de viser l’interdiction pure et simple du spectacle, considérée comme une certaine forme d’atteinte à « la liberté d’expression » … Mais c’est encore mystifier le rôle du pouvoir judiciaire et sa nature de classe, les peines infligées aux militants ouvriers, parfois prononcées en comparution immédiate, attestent de cela. Sous l’ère de la démocratie bourgeoise, la liberté d’expression, elle aussi, ne s’exerce que sous la réserve de ne pas nuire à la liberté de l’homme argenté d’exploiter le démuni.

Dieudonné et ses amis politiques

Dieudonné aurait de mauvaises fréquentations politiques, et certains fans sont légitimement gênés de cet état de fait. C’est effectivement le moins que l’on puisse dire, s’agissant du rouge-brun Alain Soral, du fasciste Serge Ayoub et du négationniste Robert Faurisson. Mais le plus ridicule dans cette façon de présenter les choses et que cet argument émane de ceux qui assument leur filiation politique à l’ancien président de la République François Mitterrand [2] qui entretenait lui des amitiés toutes particulières avec le fasciste Bousquet, artisan de la rafle du Vél’ d’Hiv lors de la seconde guerre mondiale. A temps troubles, amitiés particulières et resserrements idéologiques troubles !

Nous vivons l’époque de l’impérialisme où la grande bourgeoisie française ne peut suivre ceux de son rang dans l’ordre économique du monde marchand et dans sa politique intérieur, qu’en soudoyant idéologiquement, matériellement, ses oppositions dans toutes les représentations sociales, celles des Partis, des syndicats et des corporations de petits patrons. Dans ces conditions générales, le cas d’un Dieudonné, qui est loin d’être un « anti-système », est surtout celui de l’arbre qui cache la forêt d’une collaboration de classe plus dangereuse que le rapprochement d’un artiste avec un idéologue de l’extrême-droite ; ce qui apparait nettement, c’est la perte des illusions citoyennes sur le politique et qui s’accroit plus sûrement dans l’esprit des masses, en l’absence d’un authentique parti communiste ouvrier, et c’est cela qui fait aujourd’hui le lit du fascisme. [3] Reste à déterminer le degré de maturation de ce fait politique dont l’apparition est bien antérieur à la polémique.

En conclusion

Dans cette affaire de déboires d’un humoriste face à l’Etat de dictature de la bourgeoisie, les communistes authentiques n’ont pas à tomber dans le piège tendu du devoir de prosternation devant les aficionados de la démocratie bourgeoise en les rassurant de l’authenticité de notre antifascisme et de nos convictions sur la lutte contre l’antisémitisme, alors qu’on nous demande en prime de « bienvenue parmi les démocrates » le reniement de notre contestation du sionisme, fond baptismal sur lequel repose l’existence de l’Etat de classe de la bourgeoisie Israélienne.

Nous devons aussi nous attacher à démontrer que dans cette histoire, le ministre de la police a produit la démonstration que, disposant de tous les moyens coercitifs, il pouvait encore à tout instant recourir, au pied levé, au pouvoir judiciaire d’une des plus haute Cours de justice, le Conseil d’état, instance supérieur du droit bourgeois, pour imposer la dictature de sa classe quitte à faire voler en éclat les plus beaux discours sur la séparation des pouvoirs, garante de la « démocratie ». Plus important, dans l’état actuel du droit bourgeois, nous devons dénoncer sans concession le recours à la circulaire ministérielle visant le « trouble publique » répréhensible, que le pouvoir peut invoquer à volonté. Elle est une arme répressive bien connue et dirigée contre la classe ouvrière en cas de grève et d’organisation de manifestations. Citons à titre d’exemple le cas des représentants syndicaux des éboueurs en grève à Lyon en 2012 qui ont été condamnés. Les juges ont considéré que les grévistes avaient « porté atteinte à l’ordre public », et à « la liberté du travail » en organisant des piquets de grève. Aussi en cas de récidive, le tribunal donnait tout pouvoir au Grand Lyon pour les y déloger [4], y compris en faisant intervenir les forces de l’ordre.


1- A voir la multiplication des représentations politiques et associatives, de gauche, d’extrême gauche, altermondialiste, écologique … 2- Ayant l’actuel ministre de l’Intérieur pour admirateur, pourfendeur d’antisémites. 3- Voir le Baromètre de la confiance politique du Cevipof, 87% des français penseraient que les politiques ne les servent pas. La notion de dégoût des politiques apparait pour la 1ère fois dans une étude officielle. 4- C’est-à-dire à Gérard Colomb maire Socialiste dont la politique en matière de ramassage des ordures était à l’origine du conflit.




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