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VIRTUEL ! VOUS AVEZ DIT VIRTUEL

VIRTUEL ! VOUS AVEZ DIT VIRTUEL

mercredi 15 avril 2009, par Jean Charles Louvrier

Le monde des économistes est en émoi, l’état que l’on disait en cessation de paiement, se retrouve subitement une santé ; les revendications de nationalisation « tueuses du libéralisme » sont mises au goût du jour, même l’idole des bobos progressistes socialisant le président vénézuélien Hugo Chavez salue la performance de son homologue français.


La France qu’ils décrivaient en faillite se montre dans une forme à toutes épreuves et prête à relever tous les défis économiques, intérieurs et internationaux. Alors les doutes s’installent : crise ou pas crise… Caisses vides ou pas…, nationalisation rampante ou intervention circonstancielle de l’état … et quel modèle pour l’avenir ?

Le capitalisme serait, parait-il, malade de s’être éloigné de ses fondamentaux. L’argent qui fabriquerait de l’argent serait devenu un argent sale et nombreux de voir d’un mauvais œil l’Etat, qu’ils vantaient d’être au dessus de toutes les classes, se transformer en banquier. De fait, par son interventionnisme tapageur de temps de crise, l’état bourgeois dévoile plus qu’à l’accoutumée tous ses domaines d’interventions. Il avoue avoir d’autres fonctions comme celle de fournir à la bourgeoisie ses moyens de coercition de classe et de travestissement de sa dictature en mirages démocratiques ou encore celle d’être une institution de crédit national par laquelle s’accumule et transite la plus-value, réglant la relance d’un crédit tombé en panne en raison d’engorgement des marchés.

Dans le cadre de la crise économique que traverse la société toute entière, c’est par la voix du premier serviteur de l’état que nous sommes prévenu que l’attribution de crédits, pour la relance de l’activité des banques, se fera nécessairement sur des critères de rentabilité absolue poussant à de nouvelles rationalisations et concentration des capitaux [1], qui par voie d’enchaînement deviennent « public » au seul bénéfice des fortunes du privé avec comme conséquence un appauvrissement de plus en plus pénible à supporter pour la classe ouvrière.

L’intervention de l’état dans les affaires économiques de la bourgeoisie est la conséquence nécessaire du passage d’un capitalisme privé à un capitalisme collectif où le monde des possesseurs de capitaux n’est plus affairé qu’à mesurer l’épaisseur du matelas de billets de banque sur lequel il coule des jours heureux, laissant à tout un personnel fortement rémunéré la charge de la gestion des entreprises et des affaires. Aussi, c’est en échange de ces rémunérations plus que substantielles que ce personnel accepte de jouer de façon très consensuelle le rôle de fusible que l’on fait sauter avec ou sans parachute doré quand la charge émotionnelle du petit « peuple » des épargnants (se sentant totalement floué et se prenant à rêver d’éthique) est poussée à son comble. De plus, il serait vain de croire que la prise en main par l’état des intérêts collectifs de la bourgeoisie réglera sur du long terme les disfonctionnements financiers inhérents à tout un système. Enfermer dans les contradictions fondamentales du monde capitaliste, l’état bourgeois doit gérer la mise en sommeil de certains moyens de production c’est-à-dire de prendre à sa charge la rénumération du chômage partiel alors que les capitalistes intensifient l’usage des moyens de production et de la force productive dans une société qui regorge à la fois de biens de consommation et des moyens de production. La concurrence effrénée que se font les capitalistes ne disparaît pas suite à la prise en main des affaires de la bourgeoisie par l’état, elle établit ses quartiers dans des dimensions supérieures, celles des sociétés par actions et de leur transformation en propriétés d’état pour le plus grand bien des puissants…

Et parce que l’énormité des fadaises n’effraie plus les portes voix de la bourgeoisie, tout cela est subtilement dissimulé sur fond de fables récitées et fortement relayées par des médias qui voudraient que cet argent dit « virtuel », miraculeusement réapparu, prenne à l’usage la matérialité que lui accorde la garantie d’état en produisant des intérêts sonnant et trébuchant bien palpables.

C’est dans cette ambiance, sur fond d’exacerbation des conflits d’intérêts entre les différentes factions de la bourgeoisie divisées artificiellement en entrepreneurs vertueux et dilapidateurs monstrueux, acteurs de la financiarisation de l’économie, que nous entendons monter les atermoiements d’une petite bourgeoisie patronale (semi-industrielle, artisanale et commerçante et autre profession libérale). Cette clientèle électorale privilégiée des partis institutionnalisés droite et gauche confondus, apeurée de tout perdre, n’accepte plus d’être dépossédée des moyens de leur mise en concurrence directe et « loyale »… passée entre les mains des banques.

Toujours en recherche d’une sainte alliance avec l’oligarchie financière, cette fraction de la petite bourgeoisie se pose frauduleusement en première victime de la crise. Par ailleurs, elle se garde bien d’en dire plus sur les conditions sociales même de sa propre existence en réclamant plus de mesures d’intensification de l’exploitation mis en place par le pouvoir. Cette exploitation est d’autant plus abjecte qu’elle s’exerce sous couvert d’un paternalisme sentencieux contre les personnels ouvriers et salariés en général.

Aussi occultent-ils volontiers, via leurs représentations politiques de tous bords, entre deux décisions de nature commerciale visant à s’accaparer la clientèle ou les parts de marché du voisin, qu’en système capitaliste il ne peut y en aller autrement, que la recherche du profit maximum s’impose inéluctablement à tous détenteurs de petits et grands capitaux, restreignant toujours plus le nombre des ayant droits aux festins des rois. A la succession des faillites intervient toujours la concentration à un niveau supérieur rendant encore plus rude la concurrence effrénée sur l’ensemble des marchés déjà dominés.

Le système capitaliste est un système qui au cours de son développement connaît des crises liées à la concurrence que les capitalistes se livrent entre eux. Si « aujourd’hui » la crise du système prend un caractère exceptionnel c’est en raison de la nature même de ce système où une poignée de grandes puissances aux intérêts parfois mêlés juge de la viabilité de son économie par ses capacités à l’exportation des capitaux directement employables et assurant sa domination.

Il n’y a pas de marché financier producteur « d’argent virtuel ». L’argent est une marchandise qui comme toute autre subit la loi de l’offre et de la demande. Mais pour que l’argent devienne cette marchandise, encore faut-il qu’ il passe d’abord par la case de la production primitive des matières premières, la production de biens divers et consommables puis par l’émulation dans la création de nouveaux marchés, c’est-à-dire par la capacité à mettre de nouveaux produits dans les circuits de la production et de la consommation. Aussi, c’est dans la sueur et le sang prolétaires de toute la planète qu’il puise ses origines. Il n’y a pas de muraille de chine entre l’économie, les économies dites réelles, de production de biens consommables et d’usage et une économie dite « virtuelle », produit des montages financiers opaques et complexes nécessaires aux échanges interbancaires (échanges qui reproduisent à l’intérieur même des institutions financière le système d’assujettissement au plus fort qui prévaut partout ailleurs) et au prélèvement de la plus-value qui par ces opérations tortueuses, pareillement au parfum, produisent des déplacements d’odeurs insaisissables, trouvant à l’identique leurs origines dans l’extraction des essences et leurs transformations en produits… d’embaumements pour les uns et d’enfumages pour les autres .

Il n’est pas une journée sans que l’on entende ici et là la nécessité du « retour aux fondamentaux du capitalisme » suivi de lamentations cocardières. Il faut en revenir à un capitalisme d’entrepreneurs vertueux (mis en opposition au vilain petit canard du capitalisme financier) et passer à la reconquête des marchés intérieurs victimes des empiétements des multinationales étrangères. Il faut revenir à l’époque prétendue bénie où le capitalisme connaissait et achevait son développement à l’intérieur des nations, âge d’or de tous les corporatismes. C’est une ritournelle bien connue dont nous sommes bercés par les défenseurs de la petite production industrielle et agricole, celle du capitalisme des petits ateliers et des boutiques trouvant ses chansonniers chez les souverainistes ultraréactionnaires ou pseudo progressistes cherchant à entraîner derrière eux une classe ouvrière politiquement inorganisée. Il faut remarquer qu’une fraction de l’extrême gauche sociale chauvine fait écho à ces suppliques, tous ligués pour faire tourner la roue de l’histoire à l’envers.

L’argent afflue pour aider les banques ce qui fait légitimement scandale chez tous les déshérités d’une nation qui hier encore se déclarait en faillite. En conséquence directe, cette situation permet d’apporter des éclairages politiques et nous permet de mieux comprendre les subtilités de propagande bien utile aux idéologues de la bourgeoisie qui visent à dissimuler le rôle de l’Etat. Nous voyons bien aujourd’hui les réalités d’un appareil d’état qui n’est ni neutre, ni au dessus des classes, un état que l’on nous décrivait faussement comme non interventionniste dans les affaires de la bourgeoisie elle-même. La situation actuelle offre une nouvelle fois l’occasion de démontrer que la bourgeoisie gère les affaires d’état comme une entreprise et que l’état c’est justement l’affaire de la bourgeoisie par laquelle elle s’entend avec elle-même pour rationaliser à outrance ses interventions dans tout les domaines et principalement dans les affaires sociales, motivée par la maîtrise des budgets qui leurs sont consacrés.

Mais par delà même la gestion des affaires sociales de la nation, l’état, c’est la toute puissance économique capable d’interventions salvatrices quand tout le système est en crise, se portant garant de toutes les créances à un degré supérieur, garant des intérêts qui sortiront vainqueurs de la crise. Ainsi toute demande d’intervention de l’état renforce ses capacités à la prorogation d’un système qui s’effondre et la revendication de nationalisation, avec ou sans contrôle des salariés, mise en garantie de la défense des intérêts de la petite bourgeoisie, n’échappe pas à cette logique.

Devant les besoins de nouveaux équilibrages dans les rapports de force internationaux, les dirigeants politiques des états capitalistes des grandes puissances impérialistes redoublent d’activités. Les réunions au sommet se succèdent et les entrevues de concertation avec les banquiers se multiplient, avant-hier à Camp David … Hier chez les « amis » chinois de l’économie « socialiste marché » (trahissant aussi des inquiétudes), aujourd’hui Hillarie Clinton au Japon, Etc. Une conférence internationale sur la crise est programmée, elle fixera, parait-il, de nouvelles règles du jeu, c’est-à-dire la consécration dans des accords de toutes les modifications dans les rapports de force du capitalisme international. Depuis l’accord Bretton Woods de 1944 qui instituait la banque mondiale et le dollard comme monnaie de référence, le dernier des grands deal capitalistes avait plus ou moins figé la situation des rapports économiques et politiques internationaux en consacrant la domination de l’impérialisme US sur le reste du monde capitaliste. Mais finalement, il y sera surtout question de faire en sorte de se prémunir de l’effondrement de tout l’édifice capitaliste devant la poussée d’une classe ouvrière internationale et des couches de travailleurs les plus pauvres se mettant en mouvement un peu partout dans le monde, sentant légitimement leur heure arrivée.

Aussi, c’est au nom de l’adhésion, en demi teinte, aux théories économiques de Marx, expurgées de leur contenu révolutionnaire, que s’élèvent les voix les plus protestataires en France. Des personnalités de gauche musclant les discours pour la circonstance et de l’extrême gauche trotskiste ou marxiste léniniste se disputent le leadership sur les catégories sociales petites bourgeoises et d’une classe ouvrière qu’elles ne représentent pas et qui les boudent. On les entend crier à la spoliation et à l’immoralité d’un système exécrable qu’il faudrait impérativement « réformer radicalement » et reprennent finalement des mots d’ordre syndicaux écumés d’un passé lointain qui fut un leurre à l’émancipation intégrale de la classe ouvrière. Ces « réformes radicales » comme celles des « nationalisations » ou des « interdictions de licenciement » ne peuvent nous satisfaire, nous ouvriers, car elles ne posent pas clairement le destin politique de notre classe dont devrait être instruit tout marxiste conséquent. Pour conclure, nous, ouvriers communistes révolutionnaire, tenons à rappeler cette éclairage d’Engels d’une brillante actualité : « Ces appels à la morale et au droit ne nous font pas scientifiquement progresser d’un pouce ; la science économique ne saurait voir dans l’indignation morale, si justifiée soit-elle, aucun argument, mais seulement un symptôme, sa tâche est bien plutôt de montrer que les anomalies sociales qui viennent de se faire jour sont les conséquences nécessaires du mode de production existant, mais aussi, en même temps, des signes de sa désagrégation commençante. »

Pour avant-garde JEAN-CHARLE LOUVRIER




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