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Impérialisme français. Privatisation de Dagris

Impérialisme français. Privatisation de Dagris

mercredi 15 avril 2009, par victor MB

Dans le premier article consacré à la privatisation de la société Dagris, nous avons pu voir l’échec d premier essai. Nous abordons maintenant la second essai, fructueux …


Thierry breton a beaucoup d’amis et il va en trouver qui feront meilleure figure. Jacques Saadé et Abbas Jabber sont ceux-là.

C’est un an après la mésaventure de la 1ère privatisation qu’Abbas Jabber est nommé Conseiller du Commerce Extérieur par Breton. Le jeune ambitieux, pur produit capitaliste, a du séduire par son parcours de patron malin. Il a démarré sa carrière d’exploiteur en faisant de l’export de matières premières agro-alimentaires vers l’Afrique (sucre, farine, oléagineux, blé, riz) à une époque où personne ne voulait le faire. C’était alors assez audacieux mais il avait un atout de taille ; Jabber est un enfant du pays …

Sa carrière en France, il la doit à sa nationalité française, le bizness avec l’Afrique il le doit à son autre nationalité, sénégalaise, et aussi avec la relation d’amitié qu’il a lié avec le fils du président Wade, Karim, tout aussi ambitieux que lui. Le groupe de Jabber, Advens, a tous les trais de l’entreprise « ouverte sur le monde », « respectueuse de l’humain » et tout le nouveau charabia à la mode « nouveau patron social » à la Laurent Vauquiez, hypocrisie des hypocrisies dans un capitalisme qui n’a peut être jamais autant spolié.

En septembre 1975, Lesieur Afrique est nationalisé par l’état sénégalais pour devenir la Sonacos (Société nationale de commercialisation des oléagineux du Sénégal). Mais la filière arachide nationalisée reçoit le blocus de Paris qui fait pression et manigance pour saper les velléités de la bourgeoisie sénégalaise décidée à tenir le couteau du partage du gâteau. Finalement, la Sonacos est privatisée en 2005 au profit du consortium mené par le groupe Advens (Jabber) en écartant gentiment les organisations paysannes unifiées autour du projet de reprise en coopérative. C’est un beau cadeau, mais il ne doit pas y paraitre, alors comme pour tuer son chien on dit qu’il a la rage, on explique aux sénégalais que la SONACOS « était en déficit, il fallait l’expérience d’une repreneur privé pour remonter la pente » mais voyez comme le fruit est doux …

C’est sur pression du FMI que le Sénégal doit privatiser son réseau sur l’arachide après avoir privatisé celui de l’électricité. Suivant la consigne, Wade se décide pour le bon copain du fiston, Abbas Jabber, et offre pour le « 8 milliard » symbolique de francs CFA, une des plus grosses entreprises africaines (classée parmi les 500 plus importantes). Mais ce n’est pas tout, comme « le chien est malade » l’état sénégalais va financer la reprise en donnant 15 milliards de franc CFA au titre de l’appui à la production. Par ailleurs, le plan de reprise de Jabber demande à l’état d’assumer un plan économique. Pour l’instant, l’état n’a perçu que 5 milliards de FCFA sur les huit et a déboursé 13,68 milliards de FCFA (9,18 milliards de FCFA pour soutenir le prix d’achat aux producteurs et 4 milliards de FCFA comme contribution au plan social). Cerise sur le gâteau, après avoir profité des règles impérialistes dictées par le FMI sur les privatisations, Jabber parvient à négocier avec le Sénégal la sauvegarde d’une taxe aux importations d’huile concurrentes. La banque mondiale ayant montré les dents, le Sénégal a momentanément reculé avant de retaxer les importations.

Voilà bien une contradiction que vivent les impérialistes du monde entier. Grâce à la puissance économique, ils parviennent à mettre de telles pressions, au nom de la libre concurrence, sur les économies des pays les moins riches que ces derniers lâchent pan par pan tous les grands secteurs de leur économie au profit des grands capitalistes du monde, mais une fois en possession de ces grandes entreprises, comme la Sonacos, les mêmes capitalistes en appel au protection douanière pour assurer de la « viabilité économique », de la « préservation de l’emploi » et du « développement industriel » se transformant ainsi en patrons héros de la cause du peuple …

Mais Jabber ne sera pas le héros des licenciés du plan social ni celui des 500 ouvriers de la sonagraines, filiale de la Sonacos supprimée en 2001 sur demande du FMI, qui aujourd’hui sont dans la misère et attendent encore salaires et primes de leur ex-employeur. Décidément bien vu par le pouvoir sénégalais, Jabber a aussi profité de la privatisation d’une usine d’alimentation pour bétail (la Setunia), du chemin de fer Dakar-Bamako et de la concession d’exploitation du terminal céréalier du port de Dakar.

Après s’être expatrié en France pour y faire ses preuves dans la cour des grands, Jabber a donc utilisé son réseau pour construire une fortune sur le travail des paysans et des ouvriers sénégalais. Lui dit partout qu’il est revenu pour aider : « c’est d’abord par citoyenneté que je suis revenu travailler au Sénégal » 13/03/2006 Sud quotidien.

Mais depuis son patriotisme s’est mué en un véritable panafricanisme puisque Jabber a convoité le coton en Côte d’ivoire (liquidation de LCCI, le coton ivoirien, il s’est fais doublé par OLAM un agros industriel indien) et rencontré le président togolais le 17/10/2008 pour présenter « son plan d’action pour l’agriculture au Togo en matière du coton et d’arachide. » (TVT le 21/10/2008).
Il est à l’affut, partout sur le continent africain, des bonnes affaires à réaliser suite aux passages du FMI et de la politique de libéralisation forcée des entreprises nationales en Afrique. Le FMI, petit soldat de l’impérialisme, a pour mission d’imposer par la contrainte les règles sur lesquelles mesdames les grandes nations impérialistes se mettent d’accord (OMC). En l’occurrence, le grand sujet est donc les privatisations forcées et la surveillance du subventionnement de la production, nous aurons l’occasion de reparler de cela …

Jacques Saadé, la CGM …

En 1996, Jacques Chirac est élu président face à Lionel Jospin et surtout Edouard Balladur, 1er ministre sortant. Il met en œuvre la privatisation de la Compagnie générale maritime (CGM) et les heureux gagnants de la fausse loterie sont Johny et Jacques Saadé, deux frères libanais, fils d’un industriel Syrien.

Le lien entre Chirac et les Saadé ? C’est Rafiq Hariri, ami financier de Chirac depuis les années 80 et des frères Saadé. Rafiq Hariri était lui aussi un capitaliste libanais, compagnon de route temporaire d’Abbache au Mouvement nationaliste arabe au milieu des années 6O, dans sa jeunesse. Ensuite il part en Arabie Saoudite où il fait fortune dans le bâtiment. Profiteur de guerre, il fait de l’argent avec la reconstruction du Beyrouth de l’après guerre civil au Liban. Le nationalisme mène à tout … y compris à monter de bonnes affaires.

La Compagnie générale maritime (CGM) est donnée aux Saadé pour moins de 20 millions de francs et préalablement renfloué de 1,3 milliard de francs. Sa valeur totale était proche de 2 milliards de francs, comme l’a révélé en 1999 un accord entre les deux frères qui aujourd’hui se battent âprement. Johny Saadé, écarté des affaires de la famille par Jacques, réclame plus de « dédommagements » … C’est d’ailleurs cette dispute familiale qui révélera la privatisation à l’entente de la CGM. Une note confidentielle de Chirac est rendue publique, il y donne explicitement sa préférence. Grace à cette privatisation, la CMA CGM est devenue le troisième groupe maritime mondial. C’est donc un patron habitué des cadeaux programmés par l’état capitaliste (dont il porte la légion d’honneur) qui récupère une bonne partie de la bonne affaire Dagris.

Voilà donc comment se présente la société Geocoton, Holding détenue à 51 % par Advens et 49 % par CMA CGM.

« C’EST une poussière de l’ex-empire colonial qui s’étiole, une autre page de la Françafrique qui se tourne … » titre le Figaro à la suite de la 1er privatisation. Voilà bien le jugement moyen de la petite bourgeoisie. Nationalisation ou privatisation, c’est toujours l’impérialisme français qui préside à l’économie et donc à la destinée des anciennes colonies. La nationalisation n’a pas de couleur politique et la crise actuelle nous le prouve. Les gouvernements les plus libéraux comme ceux d’Angleterre et des Etat Unis renflouent jusqu’aux caisses des banques … Lorsque les patrons ne veulent plus, voir ne peuvent plus mettre la main à la poche alors l’état capitaliste joue son rôle de pompier de l’économie ; une fois les moments difficiles passés, la privatisation devient le cadeau que l’on fait à la bourgeoisie en injectant si il le faut les finances nécessaires.

Avec cette belle affaire, c’est un petit empire économique que s’offre les franco-libanais Jabber et Saadé car Dagris ce n’est pas seulement le Sénégal mais des intérêts dans divers entreprises au Mali, Togo, Burkina Faso, et en France même …

Dans la troisième et dernière partie de cet article consacré au cas Dagris, nous verrons plus largement comment les enjeux de l’impérialisme français au Sénégal se règlent à coup de piston et de corruption politique …




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